Délit de Façades incarne le mythe d’Orphée
Comment recréer sur une place publique le mythe d’Orphée, poète et musicien si doué qu’il charmait, dit-on, même les bêtes sauvages et qui descendit aux enfers rechercher sa jeune épouse Eurydice mortellement blessée le jour de ses noces ?
Comment restituer ce voyage initiatique ?
C’est par une riche mise en scène inventive et règlée au cordeau qui abolit tout réalisme pour faire du plateau l’espace d’un rêve que la Compagnie Délit de façade relève brillamment le défi.
La transposition – particulièrement intelligente - d’Orphée en rock star, référence absolue de l’adoration du public donne au héros de légende une nouvelle figure contemporaine mais également magique.
Le passage du monde des vivants à celui des morts se fait par le basculement du regard vers les fenêtres de la façade symbolisant les Enfers et par la transformation des personnages de chair et d’os en marionnettes, fantômes articulés.
Spectacle captivant où l’on passe de la danse d’imprécation d’Orphée essayant de charmer Charon - le passeur des morts - à sa danse infernale à la recherche d’Eurydice dans un labyrinthe truffé de pièges tendus par les démons.
Officiants rigoureux d’un rite immuable, les manipulateurs, remarquables de dextérité, nous offrent un visuel au rythme soutenu entre lumière et obscurité entre la vie et la mort suivie de son cortège de monstres.
Avec le chant comme fil d’Ariane tout se lie : le lamento magnifique nous conduit dans le monde onirique de la quête d’Orphée qui doit vaincre les monstres après avoir convaincu le Nocher des enfers de le laisser entrer dans le royaume des morts.
La poétique du spectacle se retrouve dans le dénouement qui reprend la même grammaire : la correspondance entre l’homme et son double, le chant d’amour et le chant de la douleur.
Le charme du spectacle qui marie l’onirisme et le réel est tout entier dans cette oscillation entre ces deux mondes.
La conclusion tragique nous renvoie à notre condition de mortels soumis au bon vouloir et à l’intransigeance des dieux qui gagnent toujours contre l’Amour et la Poésie.